Je viens d’achever la lecture du rapport BALLADUR. Les propositions qui y sont formulées sont porteuses de progrès démocratique. Je n’ai pas l’ambition de toutes les commenter, mais souhaite en évoquer quelques unes avec vous. Je vous propose de commencer par le cumul des mandats.
Les propositions du comité BALLADUR
Pour les membres du comité, la fonction de ministre doit être exclusive de tout mandat électif : « rien ne justifie, à ses yeux, qu’un ministre ne se consacre pas exclusivement à sa tâche. »
Le comité BALLADUR souhaite aussi « revaloriser la fonction parlementaire » et « accroître la disponibilité parlementaire ».
« L’activité parlementaire de législation et de contrôle constitue, par elle-même, une activité à temps plein. Aussi le Comité est-il d’avis que le mandat unique est la seule mesure qui corresponde vraiment aux exigences d’une démocratie parlementaire moderne. Seule parmi les grandes démocraties occidentales, la France connaît une situation de cumul important des mandats. » Le comité assimile à un mandat local la direction d’un établissement public de coopération intercommunale.
Inutile de vous dire que les opposants à ces propositions sont nombreux, et pour cause. Comme le rappelle le rapport BALLADUR :
259 des 577 députés sont maires ;
21 sont présidents de conseil général ;
8 sont présidents de conseil régional ;
121 des 331 sénateurs sont maires ;
32 sont présidents de conseil général ;
3 sont présidents de conseil régional ;
pratiquement tous les parlementaires sont, à tout le moins, conseillers municipaux, généraux ou régionaux.
Le débat
J’ai pu lire sur le blog de l’UMP que le cumul des mandats serait « largement la conséquence du fait que les indemnités des élus locaux sont insuffisantes pour leur permettre d’en vivre convenablement ». Cela signifierait que les élus locaux brigueraient d'autres mandats, non pour servir la collectivité convoitée à travers tel nouveau mandat, mais uniquement pour vivre plus convenablement ? Il me semble pourtant que les plus gros cumulards ne sont pas les maires de villages. Or le montant de l’indemnité du maire est proportionnel au nombre d’habitants de sa commune.
Nos parlementaires expliquent souvent que conserver leur mandat de maire leur permet de rester au contact des réalités du terrain. Sincèrement, qu’est-ce qui empêche nos élus d’être au contact de ses réalités sans un mandat local ? Pas les invitations qu’ils reçoivent pour participer à tel ou tel évènement local justement, pas plus que leur liberté d’aller et venir dans leur circonscription d’élection.
Pour un maire, détenir un mandat de plus haut niveau, notamment national, lui permettrait de peser davantage pour sa plus petite circonscription d’élection. Exemple : débloquer un budget ou un processus décisionnel enrayé sur une question locale. A mon sens, rien n’empêche nos élus nationaux de penser à leur circonscription d’élection. Je suis certain que les Corréziens n’ont pas eu à se plaindre de l’absence de Jacques CHIRAC durant ses deux mandats de Président de la République, période où il n’a donc exercé aucun mandat local.
Mettons les pieds dans le plat : pour les élus qui cumulent, le mandat de maire est avant tout ce qui leur permet de s'ancrer dans un territoire. C’est à partir d’une commune qu’ils peuvent étendre leur sphère d’influence locale et, potentiellement, se propulser à un niveau « plus élevé ». Et s'ils perdent leur mandat « le plus prestigieux », il leur reste au moins leur mandat de maire pour continuer d'exister, en attendant des jours meilleurs...
Les risques
A trop cumuler de mandats, certains élus risquent de laisser entendre que leurs responsabilités sont déléguées à des collaborateurs et que leur fonction résiduelle, non des moindres, tient en une simple validation des décisions proposées par ses mêmes collaborateurs. Là encore, je ne vois pas comment nos élus peuvent se concentrer sur tous les points à trancher lorsqu’ils occupent plusieurs fonctions. Certains me répondront peut-être que le PDG d’une entreprise du CAC 40 ne fait pas tout lui-même : c’est vrai. A quelques différences près : je ne suis pas électeur des PDG du CAC 40. Je vote pour un candidat à une élection que mes impôts permettent de rémunérer s’il est élu, pas pour ses collaborateurs, pour brillants qu’ils soient.
Prenons l’exemple d’un député-maire. Je ne vois pas comment ce dernier peut prétendre s’occuper des problèmes qui concernent l’ensemble de nos concitoyens (ils sont assez nombreux pour être occupé vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept) et, en même temps, gérer sa commune comme un bon père de famille. Je n’évoque même pas le cas des députés-maires qui sont en plus présidents de communautés de communes.
Ces observations valent aussi pour celles et ceux qui cumulent un mandat de maire avec celui de conseiller général ou régional. Avec la décentralisation, ces deux dernières fonctions nécessitent une réelle disponibilité.
Quelques pistes de réflexion
Je suis favorable à l’augmentation du montant des indemnités des maires, dans les communes où le montant actuel desdites indemnités est indigne de leur investissement. Je pense notamment aux maires des plus petites communes où le personnel de mairie est moins nombreux. Déterminons de nouveaux critères susceptibles d’évaluations régulières, sous contrôle des chambres régionales des comptes et sous l’œil bienveillant d’associations de défense des contribuables.
Enfin, dans les zones rurales à faible densité de population, le cumul est plus compréhensible.
Comme vous l’aurez compris, je suis favorable au mandat unique. Mais je souhaite, par exemple, laisser la possibilité au maire qui embrasse une nouvelle fonction de continuer de siéger en tant que « conseiller municipal honoraire ». La sagesse d’élus expérimentés est toujours utile.
A. C.
Bonsoir Alexandre,
Ton analyse me semble pertinente sur de nombreux points mais je ne crois pas qu'il faille retenir le fait que nos élus ne soient pas assez payés. Evidemment, il y a des petits salaires parfois, mais il existe de nombreux métiers avec ces caractéristiques. Je crois que cet argument n'est que moyennement valable, lorsque l'on sert la nation ou sa commune, l'objectif n'est pas la rentabilité à gogo si j'ose dire, ce n'est pas non plus être bénevole mais il faut que nos élus soient raisonnables.
Je crois comme toi au non cumul des mandas mais en même temps à une plus forte coopération entre les élus nationaux et territoriaux.
Rédigé par : David | dimanche 04 novembre 2007 à 05:35
Bonsoir David,
Merci pour ton commentaire !
Je ne rentrerai pas ici dans le détail du calcul des indemnités d'un maire, mais certains, notamment dans les plus petites communes, sont franchement mal rémunérés compte tenu de leur peine.
Pense à l'élu dont le personnel de mairie se limite à une secrétaire et un cantonnier. Il n’en demeure pas moins confronté à des questions d'urbanisme et de gestion des deniers publics. Il y consacre de facto plus de temps. Sa rémunération devrait en tenir compte.
Pour répondre à ton observation, je ne plains ni le maire de Paris, ni celui de Marseille !... ;-)
Bonne nuit,
Alex
Rédigé par : Alex de Melun | dimanche 04 novembre 2007 à 07:17
Je suis tout à fait d'accord sur les petits salaires de certains élus mais cette activité est particuliere, c'est une passion au service des citoyens à mon sens. Je ne sais pas si l'on peut raisonner de la même maniere que pour l'ensemble des jobs.
Rédigé par : David | dimanche 04 novembre 2007 à 20:11
La passion au service des citoyens est le fait de la plupart des maires de petites et moyennes communes. Quoique... certains y voient une reconnaissance de leur personne qui leur donne la grosse tête et cumulent les présidences au sein d'un même conseil municipal : président des ordures, président du cimetière, président de ci, président de ça ! La rémunération n'est pas toujours "l'appât" !
Rédigé par : Eriam | lundi 05 novembre 2007 à 06:37
Bonsoir Eriam et David,
Merci pour vos commentaires !
David, je pense que celui d'Eriam complète utilement ta réflexion.
Si je traduis bien ta pensée (commune à la mienne le cas échéant), le mandat électoral est avant tout une fonction qui, dans certains cas, permet de vivre correctement, mais cela ne doit pas être une fin en soi.
A mon sens, l'élu doit exercer sa fonction pour servir (l'intérêt général et ses concitoyens) et non pas se servir (d'un statut, de privilèges attachés à ladite fonction)...
Bonne nuit,
Alex
Rédigé par : Alex de Melun | lundi 05 novembre 2007 à 07:34
Salut,
Pour moi, tout cela est plus complexe.
Je suis pour que les principaux mandats (parlementaire, conseiller régional, conseiller général, maire, président d'une communauté de commune ou d'agglo) ne soient pas cumulables entre eux. Chacune de ces fonctions occupe son homme (ou sa femme) à temps quasi plein, d'expérience (j'ai bossé en commune et au conseil général). On pourrait tolérer de cumuler une de ces fonctions avec conseiller municipal de base.
Si les élus cumulent aujourd'hui, ce n'est pas pour l'argent, c'est clairement pour le pouvoir. Ils ne veulent pas lâcher les manettes de la mairie quand ils entrent à l'assemblée, et surtout ne pas laisser quelqu'un d'autre grandir sur le même territoire ...
Il est clair qu'en cumulant, les élus délèguent une bonne partie de la réalité du pouvoir. On ne peut matériellement pas maitriser tous ses dossiers quand on est Maire et Vice-Président d'un Conseil général par exemple. Je suis bien placé, étant collaborateur d'élu, pour savoir que leurs absences et leur impossibilité de tout maitriser me laisse, à moi le non élu du cabinet, beaucoup de poids dans la décision...
Non cumul aussi dans le temps. Je suis horrifié de voir les Mignon, Mouton, Chapron, Ricard, Vachez, Jacob aligner leur 5ème, 6ème voire 7ème mandat d'affilée. Cela crée INEVITABLEMENT du clientélisme néfaste, et un manque d'imagination et de renouvellement dans la vision des dossiers. Pour moi, 3 mandats d'affilée devrait être le maximum légal. Et encore.
Par contre sur la question des indemnités, je vois les choses différemment. Parenthèse : je pense que les communes de moins de 5000 habitants ne devraient pas exister, et donc que les toutes petites indemnités de maire non plus. Sur le fond, l'indemnité doit être suffisamment attractive pour permettre à n'importe qui de lâcher son boulot pour exercer le mandat à temps quasi-plein. Par contre le statut doit aussi permettre de regagner rapidement son ancien boulot (surtout dans le privé) pour que les fins de mandat, voulues ou non, se passent bien.
Pour aller vite ...
Rédigé par : David B | dimanche 18 novembre 2007 à 02:38
Bonsoir David,
Un bémol : je ne suis pas favorable à la suppression systématique des communes de moins de 5.000 habitants, notamment dans les zones rurales. Je pense par exemple à nos régions montagneuses. Dans ces communes plus qu’ailleurs, la qualité du lien entre élus et citoyens me semble essentiel.
A très bientôt,
Alex
Rédigé par : Alex de Melun | lundi 26 novembre 2007 à 08:13
Bonsoir,
J'ai lu très rapidement, cependant j'ai juste deux choses à dire...
C’est certainement une bonne idée de chercher à trouver une solution pour que les élus soient plus impliqués dans leur mandat.
Mais certains maires n’ont pas les mêmes budgets, les mêmes moyens (petits villages).
Tu dois, certainement, orienter le débat sur les maires des grosses villes qui ont plus d’indemnités et plus de moyens alors que l’on peut les retrouver à d’autres postes. L’indemnité, proposée dans les grandes villes, reste assez confortable. Juste un exemple : le maire de Poitiers n’a pris qu’à la fin de sa vie politique un autre mandat, certainement pour passer la main, laissant le 1er adjoint gérer plus de choses.
Finalement, le problème n’est pas sur le fait qui ne perçoivent pas assez mais plutôt le fait qu’ils aient plus de dents que de place dans leurs bouches !?!
Rédigé par : Benoît | mardi 15 janvier 2008 à 07:37