A elle seule, l’introduction de l’exception d’inconstitutionnalité dans notre système juridique devrait emporter aujourd’hui l’adhésion de l’ensemble des parlementaires à la révision constitutionnelle. Portant un grand intérêt au droit constitutionnel depuis mes études juridiques, je ne comprenais et ne comprendrais pas que cette possibilité qui existe chez certains de nos voisins européens, comme l’Allemagne ou l’Italie, ne soit pas reprise en France.
Dans notre système actuel, « les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l'Assemblée Nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs » (article 61 de la Constitution).
L’article 62 précise :
« Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application.
Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. »
C’est la saisine par voie d’action. Dans la mesure où le Conseil constitutionnel ne peut s’autosaisir, on comprend que, si aucun des acteurs précités ne croit opportun de saisir le Conseil constitutionnel, des dispositions législatives peuvent entrer en vigueur tout en violant notre Constitution, texte suprême de notre hiérarchie des normes.
Si la réforme des institutions est adoptée, un article 61-1 complètera l’article 61 dans les termes suivants :
« Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »
Cette saisine par voie d’exception est une avancée démocratique, certainement la plus importante connue par notre Constitution de 1958 depuis l’élection du Président de la République au suffrage universel direct en 1962, à l’initiative de Charles de Gaulle.
De la réforme des institutions en général
La sagesse qui devrait présider à toute révision de notre loi fondamentale a malheureusement été sacrifiée sur l’autel de l’enjeu politique : conforter ou désavouer le Président en adoptant ou non la réforme qu’il appelle de ses vœux.
Les socialistes voteront donc contre ce qu’ils prétendent être un verre à moitié vide. Bien que l’on se soit éloigné au fil des semaines des ambitions du comité Balladur, j’y vois un verre déjà bien rempli.
La suprématie de l’institution présidentielle ne me gêne pas : ce qui l’a renforcée, c’est son élection au suffrage universel direct et la participation plus importante des Français à ce scrutin.
L’application du quinquennat, dans lequel une majorité de nos concitoyens ne voyait qu’un moyen de se débarrasser plus vite d’un Président impopulaire ou de renouveler plus fréquemment la Présidence de la République, n’a fait que renforcer le caractère présidentiel de notre régime. La programmation des élections législatives dans la foulée de l’élection présidentielle est telle que bon nombre de parlementaires doivent leur ré(élection) au Président de la République. Ce dernier est donc devenu de facto le patron de la majorité présidentielle.
Au-delà du fonctionnement textuel de notre Constitution, c’est la pratique que nos dirigeants politiques font de nos institutions qui forgent ces dernières : Charles de Gaulle, Nicolas Sarkozy sont des présidents qui ont fait le choix de se mettre en avant, donc de se mettre en risque devant les Français. Dans une telle pratique, le Premier ministre n’est plus sous le feu des projecteurs. Son rôle de fusible, que l’on fait sauter pour aérer le mandat présidentiel, ne joue plus à plein.
De manière générale, la réforme présentée au Congrès cet après-midi renforce sensiblement les pouvoirs du Parlement, notamment par une meilleure maîtrise de l’ordre du jour. Ce rééquilibrage, tout en encadrant davantage les pouvoirs du Président fait une victime : la fonction de Premier ministre. Mais ce n’est qu’une consécration par les textes de la réalité politique.
Les pouvoirs du Parlement ne seront réellement renforcés que par l’action de ses acteurs. Or l’opposition socialiste et sa stratégie de diabolisation du Président n’ont pas servi le PS en 2007, pas plus qu’elles ne serviront l’intérêt des Français devant le Parlement aujourd'hui et demain. L’opposition à l’Assemblée est inexistante, encore plus depuis quelques semaines. Les députés socialistes craignaient certainement de voir leurs vacances raccourcies s’ils s’opposaient plus vigoureusement à l'Assemblée aux réformes qu'ils dénonçaient par voie de presse : quel mépris pour leurs "valeurs"... Et leurs électeurs !
Pour que le Parlement conserve l’indépendance qu’il tire théoriquement de la séparation des pouvoirs, nous devons nous en remettre aux parlementaires de la majorité. Sont-ils les simples acteurs d’une chambre d’enregistrement des textes de l’exécutif ou les véritables acteurs du débat ?
C’est maintenant que la coproduction législative défendue par Jean-François Copé prend tout son sens : que le parlement soit associé en amont à la préparation des textes législatifs avec l’exécutif pour que les parlementaires y adhèrent naturellement une fois dans l’hémicycle.
A.
Eh bien Alex ! Vous n'avez pas eu le temps de mettre votre blog à jour ? ;-)
Ou bien êtes-vous parti en vacances ?
Amitiés.
Rédigé par : Eriam | mardi 22 juillet 2008 à 17:28
Pas en vacances, mais beaucoup de travail !
A.
Rédigé par : A. | mardi 22 juillet 2008 à 17:59