Les médias n’ont pas fait grand bruit de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 8 février dernier. Pourtant, il marque une nouvelle étape dans l’intégration européenne de la France.
Quelques principes de droit français
La norme suprême de notre système juridique est la Constitution de 1958. Elle a une valeur supérieure aux traités internationaux auxquels la France est partie. En dehors de notre Constitution, toutes les normes internes (lois, décrets…) doivent respecter nos engagements internationaux, au premier rang desquels les traités européens.
Ce principe est très théorique. En effet, lorsqu’un traité international que la France souhaite ratifier est contraire à notre Constitution, le législateur modifie préalablement cette dernière… Pendant mes études de droit, je trouvais déjà cette pratique institutionnelle hypocrite. Je n’ai pas changé d’avis, mais il faut bien rassurer les souverainistes.
Ce principe de la suprématie constitutionnelle entre aussi en conflit avec l’exigence de transposer les directives communautaires en droit français : que décider lorsque la norme interne qui transpose une directive dans notre ordre national viole une règle constitutionnelle ? C’est à cette question qu’a répondu le Conseil d’État, saisi par des industriels de la sidérurgie.
Ces derniers demandaient l’annulation d’un décret transposant fidèlement une directive instaurant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, dans le cadre du protocole de Kyoto. Les sidérurgistes arguaient du fait que ce décret méconnaissait le principe d’égalité (entre concurrents), qui a valeur constitutionnelle. La plus haute juridiction administrative constate la violation de ce principe. Conformément à sa jurisprudence antérieure, elle aurait donc pu annuler ce décret.
Revirement
Pourtant, il va vérifier si le principe d’égalité est aussi protégé dans l'ordre juridique communautaire. Tel est le cas. Dès lors, si le décret est contraire au droit constitutionnel, la directive est également contraire au droit communautaire.
Les juges administratifs préfèrent alors s’en remettre à la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE), juridiction suprême de l’Union, par la voie d’une question préjudicielle. Le juge national marque ainsi sa confiance dans le juge de Luxembourg pour assurer le respect des principes communautaires. Il évite aussi l'affrontement direct avec la CJCE qu’aurait engendré l’annulation du décret litigieux.
Quelles conséquences ?
Après le Conseil constitutionnel en 2004, le Conseil d’État consacre la primauté du droit communautaire sur le droit national, y compris les normes de valeur constitutionnelle.
Or nos institutions européennes ne se sont pas démocratisées aussi vite que la jurisprudence des juridictions européennes a évolué. Dès 1964, l’arrêt Costa de la CJCE reconnaissait la primauté du droit communautaire sur le droit national.
La décision du Conseil d’État donne indéniablement du grain à moudre aux souverainistes. En effet, notre pays a transféré son pouvoir normatif à la Commission européenne et la CJCE alors que la seule institution communautaire désignée par le peuple d’Europe est son Parlement, aux pouvoirs restreints. Or les juges de la CJCE ne font pas même l’objet d’un droit de regard des Eurodéputés. A titre de comparaison, les membres du Conseil constitutionnel sont désignés par le Président de la République et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Pour leur redonner toute la légitimité dont elles ont besoin pour reconquérir le cœur des Français, la réforme des institutions européennes est plus que jamais d’actualité. Gageons que nos candidats à la magistrature suprême feront des propositions concrètes en ce sens. D’ores et déjà, il me semble bien frileux d’attendre les élections européennes de 2009 pour remettre à l’ordre du jour une telle réforme, dont l’impérieuse nécessité était reconnue par les tenants du « NON » en 2005.
Bonne nuit,
Alex
Moi je ne vois dans cet arret ainsi que dans celui du conseil constitutionnel qu'une apparence hypocrite de supériorité de la norme communautaire sur la consitution.. le CC fonde sa décision sur la constitution!! Et le CE se débarrasse juste d'une question embarrassante! il laisse la CJCE s'occuper des ces affaires aussi longtemps qu'elle offrira un système de protection équivalent au droit national donc dès que ce n'est plus le cas le Conseil d'état reprend ce type d'affaire...
C'est juste pour donner l'apparence de se conforter aux normes communautaires mais le souverainisme est encore là et bien présent...
C'est ma petite interprètation personnelle...
Rédigé par : Séverine | jeudi 15 mars 2007 à 04:10