Ce billet vous est proposé par Caroline Morard. Caroline est membre de l'Atelier Europe. Elle est spécialiste des problématiques de santé publique et d'environnement.
Merci à elle pour cette contribution, en attendant les prochaines !... ;-)
A.
S’il est un sujet sur lequel une forme de consensus s’était dégagée l’année dernière lors de l’élection présidentielle, c’est bien celui de l’obsolescence de nos institutions.
Au-delà des positions partisanes, il est largement admis que, cinquante ans après sa fondation, la Vème République n’a plus grand chose à voir avec le régime des origines. Conçue pour mettre un terme à l’instabilité ministérielle endémique dont souffrait la IVème, elle s’est progressivement chargée de la transgression inverse : les institutions et le système politique n’ont cessé de se transformer, jusqu’à façonner aujourd’hui les contours d’un régime déséquilibré et obsolète.
Quelle que soit la nature des projets de révision des candidats à la présidentielle, (l’inflexion sans bouleversement proposée par Ségolène Royal, la révolution totale jusqu’à l’abolition du suffrage universel prônée par la gauche extrémiste ou encore le radicalisme présidentiel avec un président qui détermine et conduit en personne la politique de la nation, revendiqué par François Bayrou…), la nécessité d’une réforme était plébiscitée.
Dans tous les camps, le diagnostic était le même : encore renforcée par le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, la concentration du pouvoir exécutif dans la personne d’un Président de la République juridiquement et politiquement irresponsable n’est plus acceptable. Auraient-ils tous franchi le pas de la mise en œuvre du programme ? Le doute subsistera….
Mais, fidèle à ses engagements et à son esprit de rénovation par la concertation, Nicolas Sarkozy a, dès le début de son mandat, constitué un comité pluraliste chargé de proposer « une profonde modernisation du fonctionnement de notre démocratie ». Sa mission était de réfléchir à la manière de rééquilibrer les pouvoirs sans remettre en cause le rôle dirigeant que le Chef de l’Etat, seul, doit à son élection au suffrage universel direct.
Pour répondre à ce défi, deux leviers d’actions se sont imposés : permettre au Parlement de développer son activité de contrôle de l’action gouvernementale et donner aux citoyens les moyens de participer plus activement à la vie politique.
Il faut noter que cette réflexion sur l’avenir de nos institutions avait déjà été initiée par François Mitterrand quinze ans plutôt dans le cadre du Comité Vedel. À quinze ans d’intervalle, les comités Vedel (1992-1993) et Balladur (2007) se sont penchés sur le même problème : comment rééquilibrer les pouvoirs sans remettre en cause le rôle prépondérant que le Chef de l’Etat doit à son élection au suffrage universel direct ?
Cette répétition de l’histoire introspective de notre démocratie montre, d’une part, le caractère impératif et urgent de cette réforme pour son adéquation à l’évolution de la société et, d’autre part, la légitimité de sa mise en œuvre indépendamment du parti politique au pouvoir.
Malgré les intuitions et les amorces de réflexion de François Mitterrand, la frilosité et le statu quo propre à la conduite de son mandat d’alors mirent fin à tout processus rénovateur.
Nicolas Sarkozy est bien le premier président de la République à dépasser la simple volonté politique et à s’attaquer frontalement au caractère hyper-présidentiel du régime, au détriment d’une partie de son pouvoir personnel, mais au bénéfice de la démocratie et des citoyens. Noble preuve d’altruisme qui contraste avec le conservatisme et le protectionnisme des présidents précédents…
En effet, la redéfinition des rôles et des responsabilités au sommet de l’État appelée par le projet vise à rééquilibrer les attributions confiant au chef de l’état le soin de « déterminer la politique de la nation » que le premier ministre serait chargé de « mettre en œuvre ».
L’autre volet majeur de ce projet de réforme consiste en un rééquilibrage de nos institutions par la nette valorisation du rôle du Parlement, rôle au fil du temps déliquescent.
En 1958, le parlementarisme rationalisé était un étau. Joint depuis au phénomène majoritaire, il s’est transformé en camisole, fonctionnant plus sur le mode de la loi des rendements décroissants que sur celle de la stricte efficacité des politiques publiques, qui nécessite, plus encore aujourd’hui, le dialogue et la délibération. L’ « inflation législative » est une réalité. Elle souligne l’emballement de notre machine constitutionnelle, donnant l’illusion d’une production accélérée de décrets d’application plus immédiats alors qu’ils en sont en réalité plus confus.
Ce renforcement du Parlement passe aussi par une fonction législative plus affirmée dans sa spécificité. Les grandes fonctions du Parlement sont les mêmes dans toutes les démocraties : législation et contrôle. Mais la part de l’activité parlementaire consacrée à chacune des fonctions varie considérablement selon les pays. Dans l’ensemble le Parlement français est celui qui consacre le plus de temps à l’adoption en séance plénière. Il légifère donc suffisamment, même certainement trop, si l’on en juge par le nombre et le volume des textes adoptés chaque année, mais à la défaveur des activités de contrôle.
Comment peut-on raisonnablement aller contre cette part accrue accordée au contrôle qui par nature implique critiques et propositions, valorisant la capacité d’initiative du Parlement en lui conférant un pouvoir relativement autonome ? Comment concevoir que des parlementaires, dépositaires d’une responsabilité politique accordée par les électeurs de leur circonscription, puissent aller contre le renforcement de leurs attributions et de leur influence sur la législation nationale ? Enfin, comble du paradoxe dans l’hostilité socialiste au projet de réforme, le renforcement du Parlement proposé par la majorité accorde des droits mieux garantis pour les députés de la minorité… On voit bien ici pointer l’opposition socialiste systématique par principe politique et machination démagogique aux dépens du dialogue et de la concertation seuls garants de l’intérêt général.
C’est bien sur la voix de la « démocratie irréprochable » que Nicolas Sarkozy a appelé de ses vœux au cours de la campagne de 2007 que s’inscrit cette réforme des institutions.
Espérons que 3/5 de nos députés et sénateurs sauront faire preuve de l’honnêteté et de la responsabilité qui s’imposent à eux en tant qu’acteurs mandataires de notre démocratie. Au-delà des clivages partisans, le rendez-vous de la révision de la Constitution prévue avant l’été devrait être la plus importante de toutes les révisions constitutionnelles effectuées depuis 1958, occasion qu’il ne faut décemment pas manquer.
Merci Alex, je vais envoyer mes lecteurs sur votre site.
Très bon article !
Amitiés
Rédigé par : eriam | lundi 02 juin 2008 à 16:39