Alors que nos parlementaires voteront demain la réforme constitutionnelle qui permettra l’adoption du traité de Lisbonne, je reviens sur la Convention Europe de l’UMP qui se tenait mercredi dernier à la Mutualité (Paris) et à laquelle j’ai participé. Cet évènement était clôturé par Angela MERKEL et Nicolas SARKOZY.
A l’heure où tout le microcosme politique n’a d’yeux que pour les municipales, j’ai trouvé audacieux de la part de l’UMP de proposer une telle journée de réflexion, dont le thème était « Europe : ensemble, construisons notre avenir ».
Dans la mesure où son contenu respecte scrupuleusement la réalité des propos des intervenants, voici le compte-rendu réalisé par la Direction des études de l’UMP, dont je salue le travail de préparation… Et de synthèse.
Première table ronde : « La France et l’Europe, avant et après le traité de Lisbonne »
Participants :
- Pierre Lequiller, président de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne et député des Yvelines, animateur de la séance ;
- Gianfranco Fini, ancien vice-président du Conseil italien, président d’Alleanza Nazionale, député italien ;
- Bronislaw Geremek, ancien ministre, député européen (Pologne)
- Pierre Giacometti ;
- Sylvie Goulard, présidente du Mouvement européen France ;
- Françoise Grossetête, député européen ;
- Inigo Mendez de Vigo, député européen (Espagne) ;
- Vaira Vike-Freiberga, ancienne présidente de Lettonie, vice-présidente du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe.
Un certain nombre de thèmes majeurs pour l’avenir de l’Europe ont été abordés : les enjeux de l’année 2008, notamment à travers la série de ratifications du traité de Lisbonne par les 27 pays, les avancées apportées par le traité, l’importance de faire entendre la voix des petits pays, et le rôle des partis politiques au niveau européen et en particulier du Parti Populaire Européen qui devra parler d’une seule voix.
Alain Lamassoure est revenu sur ces deux dernières années, qui ont marqué un pas décisif dans la construction de l’Union Européenne. En 2005, en effet, après la catastrophe du « non » français et néerlandais au traité établissant une constitution pour l’Europe, l’UMP décide de relancer le débat sur l’Europe à travers l’organisation d’une convention. C’est alors que Nicolas Sarkozy présente pour la première fois son « plan B », le « mini traité ». A partir de ce moment là, l’UMP réfléchit concrètement à la forme que pourrait prendre ce dernier.
Un avant-projet de traité européen en langue française est même rédigé avant que Nicolas Sarkozy n’accède à la présidence de la République.
Pour Alain Lamassoure, ce traité va permettre à l’Europe d’être :
- plus efficace, notamment à travers l’extension du vote à la majorité qualifiée ;
- plus démocratique, car l’Europe aura ses propres dirigeants, à savoir le président du Conseil, le Haut représentant aux Affaires étrangères, et le président de la Commission ;
- plus utile à nos concitoyens : en effet l’Europe se concentrera sur des sujets pratiques, et le président de la Commission sera élu par le parlement européen, ce qui représente une avancée sur le plan démocratique.
Les grandes thématiques
L’image de la France après le non au référendum
Françoise Grossetête a expliqué qu’au lendemain du 29 mai, le non français avait été incompris par nos partenaires européens du fait que ce traité était d’inspiration française. L’Union européenne était donc dans l’attente d’une proposition de la France pour sortir de la paralysie et de la crise.
Selon Françoise Grossetête, le talent de Nicolas Sarkozy a été de convaincre tous nos
partenaires européens car ceux-ci estimaient avoir fait leur devoir en ratifiant le traité constitutionnel.
Les partenaires de l’Est
Vaira Vike-Freiberga, ancienne présidente de Lettonie, a rendu hommage à la liberté qui existe au sein de l’Union européenne, expliquant que les jeunes Lettons ont désormais l’impression de faire partie d’une solidarité des peuples autres que celle imposée de force par les dictatures communistes.
Madame Vike-Freiberga a rappelé que l’adhésion en 2004 de la Lettonie à l’UE avait marqué « un retour dans ce que nous considérons notre ‘’chez-nous’’ » : « Avec l’Union européenne c’est une union de choix ».
L’Union pour la Méditerranée
Gianfranco Fini : « c’est un projet incontournable pour le futur. La mer Méditerranée est stratégique pour l’ensemble de l’UE, et pas seulement pour l’Italie et la France. »
Inigo Mendez de Vigo : « Ici nous pouvons construire l’Union européenne car nous avons les mêmes valeurs, ce qui n’est pas le cas des deux côtés de la Méditerranée. C’est là-dessus qu’il faut travailler… mais travaillons ! »
Françoise Grossetête : « L’Union pour la Méditerranée est importante car elle permet de tourner l’UE vers le Sud, et plus seulement vers l’Est ». « La stabilité de l’Union européenne passe par une stabilité des Balkans, mais également du pourtour de la Méditerranée ».
La Turquie
Sylvie Goulard : « Le danger serait que la France seule décide d’une fin de non-recevoir ».
Gianfranco Fini est favorable à l’entrée de la Turquie dans l’UE car la Turquie est déjà dans l’OTAN, c’est elle qui a demandé à adhérer et elle a déjà passé des examens difficiles.
Inigo Mendez de Vigo : « L’UE est une communauté de droit. Nous avons des engagements à l’égard de la Turquie et de la Croatie, donc nous allons continuer. Mais la question est de savoir si l’UE est capable d’intégrer ces pays. L’UE n’est pas une organisation internationale mais une communauté d’intégration. Avons-nous la capacité d’intégration suffisante sans mettre à mal la méthode communautaire ? ».
Pierre Lequiller : « L’Europe a besoin d’être forte et unie », un équilibre qui pourrait être remis en cause par l’entrée de la Turquie qui serait alors le pays le plus peuplé. « Ce n’est pas un problème de religion mais un problème de dimension : comment faire voter les Européens s’ils n’ont pas d’idée de la carte de l’UE ? »
Michel Barnier, ministre de l’Agriculture et de la Pêche et vice-président du PPE, a conclu la table ronde en rappelant que le nouveau traité avait permis de « sortir de 15 années de discussions institutionnelles et de 2 ans de panne ». Aujourd’hui, selon lui, trois conditions sont nécessaires pour pouvoir avancer :
- avoir des outils nécessaires : le traité de Lisbonne représente en cela une « boîte à outils » qui permettra une plus grande efficacité ainsi que davantage de démocratie ;
- détenir une volonté politique : « dès l’instant où l’on a des outils, il serait impardonnable de ne pas les utiliser pour faire de la politique ».
- acquérir le soutien des peuples : ce soutien ne peut s’acquérir que « par des convictions, par le dialogue et par le débat public ». Michel Barnier a rappelé que le débat des élections européennes est un « débat à ne pas manquer ». Il s’agit de faire de ce dernier « non pas une juxtaposition de 27 débats nationaux, mais un vrai débat européen ». En ce sens, l’existence d’un parti européen pourra permettre de « créer une culture de débat européen ».
Les résultats d’un sondage européen présenté par Pierre Giacometti
L’adhésion à la construction européenne est majoritaire dans tous les pays européens sauf un, avec un sentiment renforcé à la fin de l’année 2007.
Cependant, le niveau d’abstention lors des élections européennes reste élevé. L’objectif des prochaines années doit être de faire de l’UE un territoire de démocratie où l’opinion est présente.
La connaissance des Européens sur l’Europe
- 9 Européens sur 10 ne sont pas capables de dire qui dirige l’UE ;
- 9 Européens sur 10 ne sont pas capables de dire de quelle couleur politique est le Parlement européen.
Les attentes des Européens
il faut ré-axer le débat : les gens ont le sentiment qu’on leur parle de l’Europe mais pas des sujets qui les préoccupent au quotidien. Il faut combattre l’idée fausse selon laquelle les sujets sur l’Europe ne sont pas des sujets nationaux.
Les inquiétudes des Européens
Voici la hiérarchie des inquiétudes des opinions nationales dans 5 grands pays européens (enquête réalisée par IPSOS fin 2007) :
- Allemagne : pauvreté/exclusion sociale ; chômage ; système de santé
- Espagne : terrorisme ; chômage ; immigration
- France : pauvreté/exclusion sociale ; chômage : insécurité/délinquance
- Grande Bretagne : immigration ; insécurité ; système de santé
- Italie : chômage ; insécurité ; fiscalité
Enfin, Mariano Rajoy, ancien ministre et président du Parti Populaire espagnol et François Fillon, ont clos la matinée.
Seconde table ronde : « Présidence française de l’Union européenne : quelles politiques pour une Europe qui protège ? »
Participants :
- Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l’Union européenne et sénateur du Haut-Rhin, animateur de la séance ;
- Jacques Barrot, ancien ministre, vice-président de la Commission européen, commissaire européen aux transports ;
- Nicolas Baverez, avocat et essayiste ;
- Joachim Bitterlich, vice-président exécutif de Veolia environnement pour les affaires internationales ;
- Jean-Dominique Giuliani, président de la fondation Robert Schuman ;
- Antoine Herth, secrétaire national de l’UMP en charge de l’agriculture, député du Bas-Rhin ;
- Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du codéveloppement ;
- Pierre Lellouche, député et conseiller de Paris.
L’après midi a été l’occasion de définir avec précision le sens d’une Europe protectrice et d’apporter des idées neuves pour construire cette dernière :
- mettre en place une politique énergétique commune : Joachim Bitterlich a affirmé que sur ce plan, quatre défis attendaient l’Europe : établir un vrai marché européen, améliorer l’efficacité énergétique, assurer la production énergétique à l’extérieur, développer les technologies.
- créer une défense européenne commune : l’Europe doit pouvoir se défendre. Jean-Dominique Giuliani a rappelé qu’alors que le financement de la défense avait augmenté en dix ans de 50% dans le monde, il avait baissé de 10% sur cette même période en Europe. Il est à l’heure actuelle fondamental d’augmenter ce financement et de donner à l’industrie de la défense la préférence européenne. Pierre Lellouche a ajouté qu’il était nécessaire aujourd’hui de créer un marché commun de la défense.
- instituer une politique d’immigration commune : le problème de l’immigration ne se réglera qu’au niveau européen. C’est en ce sens que Brice Hortefeux a présenté un « pacte européen ». Il a souligné que cette initiative française avait été très bien accueillie par les autres pays et que ce pacte devrait être adopté lors de la prochaine présidence ;
- sécurité alimentaire : Antoine Herth a, quant à lui, prôné l’importance de la souveraineté alimentaire de l’Europe. Face à l’augmentation du prix des matières premières, l’Europe doit être autonome pour sa production.
Le discours d’Angela Merkel
Environnement
« Nous devons donc déployer toutes nos énergies et réfléchir à la manière de créer nos marchés de l’avenir sur les énergies renouvelables. »
« L’Europe représente 15% des missions mondiales de CO2, cette part va continuer à baisser, nous pouvons être un modèle de technologie pour faire baisser ces émissions, mais il fait veiller à ce qu’à l’échelle mondiale d’autres, en particulier les Etats-Unis et les pays seuils, contribuent à cet effort. »
Temps de travail
« Nous ne pouvons pas indéfiniment étudier plus longtemps, quitter le travail de plus en plus tôt et être surpris que les retraites n’augmentent pas ! C’est pourquoi nous avons prolongé la durée légale du travail jusqu’à 67 ans en Allemagne. »
« Le monde n’attend pas l’Europe, le monde ne va pas d’abord examiner notre code du travail avant de décider s’il veut travailler 36, 40 ou 46 heures. Chaque pays va le décider pour lui-même. Et si nous sommes plus chers, si nous avons un meilleur système de santé, une meilleure protection chômage, une meilleure politique de défense des familles, il faut aussi que nos produits soient d’autant meilleurs que nous sommes plus chers. Tout le reste va conduire à un endettement que nous ne pouvons pas assumer et laisser à nos enfants et petits-enfants. »
Traité simplifié
« Avec ce traité, nous avons également fait quelque chose qui n’est pas facile pour les gouvernements, nous avons renforcé le rôle des Parlements nationaux. Ces derniers peuvent, lorsqu’ils constatent à la majorité des Parlements nationaux que l’Europe s’engage à régler quelque chose qui ne lui incombe pas, amener la Commission à revoir sa proposition ou à la classer aux actes. »
Turquie
« L’UMP et la CDU-CSU sont d’accord pour exprimer un doute quant à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Mais nous avons une offre positive à faire à la Turquie : nous voulons avec elle un partenariat privilégié. »
Le discours de Nicolas Sarkozy
Concurrence internationale
« J’ai été en Chine, comme Angela, j’ai été en Inde, mais j’ai dit aux Chinois et aux Indiens : naturellement, vous êtes les bienvenus pour investir en Europe, mais nous voulons que vous ouvriez vos marchés en même temps que nous ouvrons les nôtres. Parce que la réciprocité, c’est la condition d’une concurrence qui est loyale. Quand il n’y a pas de réciprocité, il n’y a pas de loyauté. S’il n’y a pas de loyauté, l’Europe doit en tirer immédiatement toutes les conséquences. »
Environnement
« Ayons une grande ambition, celle de faire du continent européen, le continent qui, le premier, aura compris que la planète court à sa perte si nous ne prenons pas des engagements en matière de développement durable extrêmement sévères et si nous ne sommes pas exemplaires. C’est la seule façon d’entraîner les Etats-Unis, d’entraîner la Chine, d’entraîner l’Inde, d’entraîner le monde entier à la suite du projet de civilisation européen que de montrer l’exemple. Que l’on ne vienne pas me dire que l’on a le temps ! Il est déjà tard, très tard ! »
Politique agricole commune
« L’Europe doit avoir le courage de faire la préférence communautaire et de donner aux agriculteurs des prix qui correspondent à la qualité des produits qui sont fabriqués par les agriculteurs eux-mêmes. »
« Les agriculteurs français ne veulent pas être fonctionnarisés, ils ne veulent pas être des assistés, ils sont des entrepreneurs, ils sont des travailleurs. Nous devons donc leur garantir des prix décents. »
Politique de défense européenne
« L’Europe ne sera pas une puissance politique si l’Europe n’est pas capable d’assumer elle-même sa sécurité. Ce n’est pas la peine de se dire indépendant, si on n’est pas capable de se défendre et si on n’est pas capable de régler par soi-même les crises qui se situent sur le territoire européen. »
Pacte européen d’immigration
« Il ne doit plus y avoir de régularisations massives sans demander l’avis des voisins qui sont aussi concernés que les autres. »
« Chaque pays s’interdit des régularisations massives sans avoir l’autorisation des autres ».
« Je demande que lorsqu’un pays européen accepte un réfugié politique, cette acceptation vaille pour tous les autres pays, mais lorsqu’un pays européen refuse un réfugié politique, je demande que ce refus vaille pour tous les autres pays. Il n’est pas normal que l’on puisse déposer 27 dossiers dans 27 pays différents. »
Racines chrétiennes de l’Europe
« Si on renie son histoire, on ne prépare pas son avenir. »
Turquie
« Tous les pays voisins de l’Europe n’ont pas vocation à entrer en Europe. »
« Si nous élargissons l’Europe sans fin, nous tuerons l’Europe politique. Et moi, je ne veux pas renoncer à l’Europe politique. »
« La Turquie n’a pas sa place en Europe, tout simplement parce qu’elle est en Asie mineure. […] Pour autant, la Turquie doit bénéficier d’un statut de partenaire privilégié avec notre pays. D’ailleurs, on peut aller beaucoup plus loin. »
Union méditerranéenne
« Naturellement, tous les autres pays européens doivent pouvoir y participer. Pourquoi ? Parce que même si l’Allemagne n’est pas riveraine de la Méditerranée, - ce qui ne m’avait pas échappé ! -, lorsque l’on ne maîtrise pas les flux migratoires autour de la Méditerranée, cela concerne l’Allemagne, comme cela concerne les démocraties du Nord de l’Europe. Il est donc parfaitement normal que l’Allemagne et les démocraties du Nord de l’Europe puissent s’associer à tous les projets de l’Union pour la Méditerranée. »
Si vous êtes arrivés jusqu’ici, vos réactions sont les bienvenues !
Bonne nuit,
A.
Merci Alex pour ce développement si intéressant. Je ne vais pas me fatiguer à me creuser la tête. Je mets donc un lien sur mon blog pour permettre à mes lecteurs d'être informés autant que je le suis grâce à vous !
Amitiés.
Rédigé par : Eriam | lundi 04 février 2008 à 18:32
Intéressant article sérieux et approfondi! Je suis venue à travers le blog d'Eriam dont je suis une fidèle lectrice...
Rédigé par : Ervalena | vendredi 08 février 2008 à 05:43
Bonsoir Ervalena (de Guermantes ;-),
Je lis régulièrement vos commentaires sur le blog d'Eriam et connais vos deux sites Internet.
Merci de votre visite !
A très bientôt,
A.
Rédigé par : Alex de Melun | vendredi 08 février 2008 à 06:50