Par Caroline Morard
Avec son arrogance, sa résistance au changement, l’ineptie de ses 35 heures, la démagogie de ses RTT, la France s’est progressivement construit une image négative à l’extérieur. À Davos et ailleurs, ou les leaders mondiaux se côtoient le « French Bashing » est rentré dans les mœurs. On y moque bien volontiers ces Français qui prétendent en se recroquevillant et en sauvegardant leurs acquis résister mieux que quiconque à la mondialisation. L’accusé France subit ce procès en décadence depuis trop de décennies.
Il fallait bien enfin que notre pays sorte des errements du « ni libéralisme, ni socialisme », qui depuis 25 ans a figé la France dans le statu quo du maintien des acquis sociaux et de la croissance mesurée.
Rappelons nous pourtant qu’en 1999, Tony Blair et Gerard Schröder invitaient dans un manifeste commun tous les sociaux-démocrates Européens à saisir la « chance historique de moderniser l’Europe en donnant la priorité à la baisse des dépenses publiques, à la baisse des impôts, à la fin d’une société d’assistance ». Leurs maîtres mots étaient « flexibilité » et « responsabilité individuelle », pour mettre le dynamisme du marché au service de l’intérêt général.
Mais nous, faute d’ouvrir les yeux sur le fonctionnement du marché du travail et sur les expériences étrangères performantes, on disait avoir tout essayé pour l’emploi. L’argument est enfantin. Notre modèle social est trop différent, il ne faut pas y toucher ; et ce qui fonctionne chez nos voisins n’est donc pas transposable : l’apprentissage en Allemagne, le temps partiel aux Pays-Bas, ou encore, la flexibilité du travail en Grande-Bretagne, la Flexi-sécurité au Danemark. pas de droits sans devoirs sauf sur notre cher territoire…
Quand la prudence et l’appartenance l’emportent sur la compétence pour la promotion des hommes et des responsabilités, la justice et la compétitivité ne sont plus au rendez-vous.
Il est grand temps d’ouvrir les yeux : le repli patriotique et l’ignominie infligée à l’économie ne sont pas un rempart contre la mondialisation, mais une entrave qui bride l’initiative des individus et la performance de nos entreprises. Ce sont bien notre arrogance et notre inconscience qui nous ont laissé au bord de la route, seul contre tous. Quand on est le seul pays européen à rejeter l’économie de marché, à repousser les réformes structurelles d’un état sclérosé, à parler de patriotisme économique, on ne peut décemment plus prétendre éclairer la pensée universelle.
Que dire aux amis de la France, qui se désolaient de voir un pays si glorieux être tombé dans une telle régression de la pensée et des actes ?
Le déclinisme sclérose la société française comme un nouveau fatalisme, par lequel ceux qui le professent se défaussent de leurs responsabilités, accusant qui la conjoncture, qui la mondialisation, qui Bruxelles, qui le gouvernement… Et oubliant vilement que la vocation du politique est de rendre les choses possibles.
Il n’est donc pas étonnant qu’aujourd’hui le populisme sous toutes ses formes (autoritaire et xénophobe, populisme gauchisant, ou altermondialiste) irriguent sur le terrain économique et moral les états d’âmes de l’opinion. Ils empruntent immuablement à la thématique du déclin et de la rupture, avec pour postulat commun une France qui se vide de substance, qu’il s’agit de révolutionner. Étrange effet du déclinisme que de conduire une convergence du diagnostic et des solutions.
Dans un monde enclin à de nouveaux repères, de nouvelles valeurs, tendu par des jeux de puissance et d’influence sans précédents, nous n’avons besoin de représentants ni esclaves de l’opinion, ni utopistes de la révolution. Il n’y a pas d’efficacité et de progrès sans volonté ouverte, affichée, acharnée de comprendre et d’affronter la nature et la réalité.
Un nouveau monde se façonne plus mobile, plus hostile, plus incertain, plus paradoxal. Nous qui avons été bercés par la quête gaulliste d’un monde multipolaire, nous l’entrevoyons soudain. Nous devrions nous en réjouir ; et bien non il nous fait frémir. Il devrait nous émerveiller par ces possibilités d’invention, de communication, de développement, mais il nous tétanise.
La sauvegarde de l’équilibre environnemental, les transitions énergétiques, les mutations démographiques, les flux migratoires, sont des défis fantastiques à relever. Mais croit-on vraiment que c’est par le discours, l’isolement et la répression que nous trouverons des solutions ? Face à cette mutation du monde, le choix est simple: d’un côté une société de responsabilité et d’équité entre libéralisme assumé et social-démocratie rénovée, de l’autre une société gangrenée par le populisme et les extrémismes. Mieux vaut une démocratie régénérée qu’une démocratie dénaturée, pour que les citoyens et leurs représentants restent connectés.
Nous percevons les premiers frémissements de redressement, mais nous
les contestons, habités que nous sommes par les réflexes conservateurs
et frondeurs. Comme toute renaissance, celle de la France exige
patience, vaillance et ténacité. Alors cessons d’être la France qui a
peur de tout : de l’avenir, de la mondialisation, de la technologie, du
nucléaire, de l’Europe, de l’Amérique, de la Chine et de ses
dirigeants. Le phénomène est récurrent, de Gaulle écrivait déjà en 1932
: « les Français sont des apôtres du déclin et des nostalgiques de la
décadence ».
Pas plus qu’il n’y a d’enchaînement inéluctable dans le déclin, il n’y a de hasard dans le rebond.
Un discours bien senti et tellement réaliste ! Mais qui est Caroline Morard ?
Quelle est sa biographie ?
Rédigé par : Eriam | jeudi 17 juillet 2008 à 15:18
Bonjour Eriam,
Caroline est membre de l'Atelier Europe. Elle est spécialiste des problématiques de santé publique et d'environnement.
C'est sa troisième contribution ici.
A.
Rédigé par : A. | vendredi 18 juillet 2008 à 16:32
Quel niveau de libéralisme êtes-vous prêt à supporter ?
Il est toujours intéressant d'affirmer qu'en Orient, certaines façons de faire sont faisables alors que dans le monde Occidental, soi-disant Ultralibéral, elles sont inadmissibles sur le plan culturel.
Chaque pays vit dans son petit bocal de verre, dont la paroi juridique est transparente. Plus son territoire est restraint, plus il sera refermé sur lui-même.
Il faut parfois savoir en sortir pour en déterminer son contour et l’évolution de son peuple.
Landry FEYNIER
Facebook.fr
Rédigé par : FEYNIER Landry | mercredi 23 juillet 2008 à 01:20