Plutôt que d'évoquer moi-même les actuelles manifestations de lycéens, j'ai préféré donner la parole à une lycéenne, Charlotte, élève de terminale ES qui prépare son admission à Sciences Po. dans le cadre d'une convention d'éducation prioritaire (cf. mon billet du 1er avril dernier).
Il me paraît utile de préciser que Charlotte n'est adhérente d'aucun syndicat ou parti politique.
Je tiens à la remercier chaleureusement d'avoir pris le temps (sur ses révisions studieuses ;-) de rédiger cette contribution et espère qu'il y en aura d'autres !
A. C.
Hier après-midi, s’est tenue la sixième manifestation nationale des lycéens en moins de trois semaines.
Les motifs restent inchangés : protestation vis-à-vis des 11.200 postes dans l’Education Nationale supprimés pour la rentrée 2008, inquiétude face à la réforme du Bac Pro (passage de 4 années d'études à 3 années) et des Bac Généraux (L, ES et S).
Étant dans une Terminale ES de 35 élèves ayant un niveau…disons…très hétérogène ;), je pense avoir saisi l’ampleur des interrogations des actuels manifestants :
- Les suppressions de postes d’enseignants vont-elles aboutir à une surcharge des effectifs par classe ?
Si c’est le cas, il paraît évident que cette situation ne pourra que nuire aux élèves.
Un exemple parmi tant d’autres : dans un cours de langue d'une heure, comment réussir à faire parler 35 élèves, tout en sollicitant l’attention de ceux qui décrochent, de ceux qui vont décrocher, et ceux qui de toute façon, ont déjà décroché depuis longtemps ?
- L’autre interrogation porte sur l’avenir du Bac en France. Sur ce point, la refonte des filières générales me semble nécessaire.
Par exemple, certains qualifient la section ES de « section poubelle ».
Pourtant ce phénomène est auto-entretenu année par année : plus de la moitié des élèves des très grandes écoles de commerce sont issus d’une Terminale S. De plus, AUCUN pré-requis en Sciences Economiques n’est demandé pour les filières du supérieur à caractère économique ( filière éco/gestion en fac, Dauphine… ). En revanche, le niveau de maths de Terminale S est bien souvent un critère discriminatoire dans ces mêmes filières.
Face à la multiplication de ces interrogations, la plupart des lycéens n'obtiennent que des réponses alarmistes : « ton avenir est en jeu ! » « Ton lycée/ton option va bientôt disparaitre ! »
Ne se le
faisant pas dire deux fois, ils décident de rejoindre un mouvement qu'en majorité, ils comprennent peu.
Ma
grande inquiétude face à ces récents mouvements est la manipulation de
crédules lycéens, par des professeurs sans vergogne (Attention, tous
ne le sont pas !).
Mon lycée a connu trois semaines de grèves. Je
n’ai eu aucun cours d’assuré les deux premières semaines. Pour autant,
les profs n’ont perdu qu’une journée de salaire.
En cause ? un « blocus » organisé par les élèves ( ? ) qui « empêchait » les profs de rentrer dans le lycée…
A
l’échelle nationale, les multiples demandes de rencontre du Snes avec
le ministre n'ayant pas abouti, il semble facile « d'utiliser » des
lycéens fortement médiatisés pour parvenir à ce but…
Il est à déplorer également, que la conduite de ces mouvements soit faite par des syndicats lycéens qui ne sont pas directement élus par les élèves, mais qui n'hésitent pas à parler à leur place !
Xavier Darcos estime qu’il faut « un New Deal du lycée ». Je partage son avis.
Cependant, ce New Deal aurait du être un préalable aux suppressions
de postes, et non l'inverse : on en « comprendrait » plus aisément leur
raison.
Pour autant, je ne jette pas la pierre au Ministre, il a le
mérite de vouloir faire avancer les choses : « qui ne tente rien, n’a
rien ».
A mes yeux, certaines questions telles que les suppressions de postes, les effectifs par classe ou la réforme du Bac doivent dépasser cette logique purement quantitative.
Petite vidéo qui ne reflète pas forcément la couverture médiatique faite des grèves lycéennes... Je vous laisse la regarder :
http://www.dailymotion.com/bookmarks/uni-asso-fr/video/x538hs_manifestation-lyceenne-de-republiqu_news
Rédigé par : Bob | jeudi 17 avril 2008 à 17:01
c'est bien la premièere fois que j'entends des lycéens réclamer plus de profs.
Ce qui est le plus impressionant c'est de noter que certains lycéens ne savent même pas qui est DARCOS.
Le non remplacement des postes se fait de concert avec la baisse des effectifs d'élèves.
Il y a de plus en plus d'éleves dan sle 1er degrès de facto on retrouve une augmentation du nombres d'ensaignats.
Au second degré c'est le constat inverse, donc focrmement il a moins de postes. C'est du bons sens.
Rien a avoir avec le fait qu'on va avoir des classes de 40 eleves,
Et puis une chose est sure c'est en allant maifester, en sechant des cours que l'on brade le BAC. Il vaut deja pas grand chose, mais alors la...
Rédigé par : Nicolas | jeudi 17 avril 2008 à 23:34
@ Bob :
Je viens de voir votre vidéo.
Il est assez comique de voir le nombre de lycéens comparé au nombre d'adultes !!
Après, je n'étais pas présente lors de la manif, donc je ne peux pas savoir si cette vidéo est réellement représentative du mouvement :)
Néanmoins, le nombre d'adultes ne me gêne pas tant.
Ce qui me choque, c'est de voir le nombre de banderoles uniquement ornées de noms de syndicats et partis politiques ( Sud, FO.. ).
J'ai l'impression qu'il y a une sorte de "télescopage" de revendications avec des syndicats et partis politiques qui "sautent" sur la première occasion pour se montrer...
Rédigé par : Charlotte | vendredi 18 avril 2008 à 05:10
@ Nicolas :
Les lycéens réclament le maintien du nombre de profs, pas une augmentation de leur nombre, attention à ne pas mélanger ;)
Il est vrai que la nombre de suppressions de postes va de pair avec le nombre d'élèves.
Après, "40 élèves", c'est sûr, ils y vont un peu fort, néanmoins, l'idée y est.
Un cas concret : dans mon lycée l'année dernière il y avait deux classes de Tle ES, ayant des effectifs raisonnables ( 25-30 ).
Cette année, le nombre à diminué, on est donc regroupés à 35 dans la même classe. ( cf l'article ).
C'est également ce qui va se passer l'année prochaine avec 2 classes de 1ère S.
Concernant l'ignorance de certains lycéens, vous avez pris l'exemple de Xavier Darcos ; pour ma part, lors des blocus de mon lycée, on pouvait lire sur une banderole "non à la réforme Sarkozy"...
Enfin, pour la valeur du BAC, je partage votre avis, mais bon, c'est un autre débat :)
Rédigé par : Charlotte | vendredi 18 avril 2008 à 06:08
La seule chose qui m'effraie c'est en voyant les banderoles devant les lycées:
Lycé bloqueR ou Darcos Bolos
euh le problème est peut être plus grave...et la suppression de postes n'est pas forcément une solution...
Rédigé par : Séverine | samedi 19 avril 2008 à 22:45
Les suppressions de postes ne sont certainement pas une solution en soi, mais j'espère que les économies qui en découleront permettront de réaliser des mesures plus appropriées...
Rédigé par : Charlotte | dimanche 20 avril 2008 à 17:54
Je ne suis plus lycéenne depuis longtemps, mais à mon époque (il y a 10-15 ans), nous étions 38 à 43 par classe de la seconde à la terminale (S pour moi). Et pourtant j'ai été admise à Dauphine. J'ai pu faire l'expérience de deux Lycées: Jacques Amyot pour la seconde et la première et Saint Aspais pour la terminale. Dans le premier notre effectif était de plus de 38 élèves motivés et nous avons tous relativement bien réussi. Dans le second établissement, nous étions moins nombreux, mais y régnait la politique du « j'ai payé donc je fais ce que je veux », ce qui provoque de gros problèmes de discipline et l'échec scolaire de certains élèves déconcentrés par les troublions. Aussi que vous soyez 25 ou 50, lorsque vous êtes attentif, peu importe le nombre, vous parviendrez toujours à atteindre vos objectifs.
Concernant les langues, les jeunes peuvent beaucoup plus facilement les travailler notamment par l'intermédiaire de DVD qui permettent de regarder les films en VO. Tout simplement. Mais cela demande du travail PERSONNEL.
Cependant, ce qu'il faut noter est le cas de profs peu consciencieux qui reprennent leurs cours d'une année sur l'autre sans l'adapter à leur auditoire, alors qu'au contraire il leur faudrait le réactualiser.
Il faut penser qualité d'enseignants et non quantité! Les manifestants connaissent-ils l'existance des professeurs de réserve, qui ne servent que pour les remplacements et dont le nombre pourrait largement être diminué!
De plus, si les lycéens ont peur de se retrouver à 5 ou 10 de plus par classe, je n'ose imaginer leur entrée en fac, où ils seront 500 ou 1000 à se partager 1 prof d'amphi!
Rappelons enfin, que le meilleur moyen de réussir ses études est d'aller en cours et non de se balader dans la rue (vous remarquerez que quand il pleut la motivation essouffle) en portant des banderoles bourrées de fautes d'orthographe. Il y a eu un Mai 68, l'on voit ce que cela a donné sur la perception de l'enseignement en général, voire le contenu de certains cours et il n'est pas nécessaire d'aggraver la situation.
Rédigé par : Valdeseine | lundi 21 avril 2008 à 09:12
Je voudrais revenir sur quelques points que vous évoquez :
Tout d'abord, les effectifs de classe.
Je ne pense pas que l'on puisse légitimement comparer la situation d'il y a 10-15ans à celle d'aujourd'hui. Les profs avec qui j'ai pu discuter sont unanimes : la situation s'est détériorée.
Les élèves ont beaux être attentifs, motivés et pleins de bonne volonté, il n'en demeure que quand un prof est obligé de s'interrompre toutes les 10min pour demander à un élève d'arrêter de chanter, de se lever pour aller aux toilettes, de ramper dans la salle ou de téléphoner, suivre le cours devient très difficile...
Et quand ces élèves sont une bonne dizaine par classe, il faudrait se demander quelle est la raison ! Pourquoi ces élèves sont-ils en Tle alors qu'eux même ne le savent pas ?
Vous vous interrogez sur l'avenir de ces élèves en fac.
C'est justement pour cette raison que 99.99% de ma classe a demandé BTS, IUT, ou écoles spécialisées... ( tout sauf la fac ! )
Concernant les cours de langues, le travail personnel est bien sûr très important, certainement plus que dans les autres matières.
Cependant, il est a déplorer que ce travail personnel vienne en REMPLACEMENT d'un cours au lieu d'être un COMPLEMENT...
Enfin, concernant les professeurs de réserve, j'avoue que moi-même, je n'en connaissait pas l'existance !
Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je savais qu'il était courant d'employer des étudiants ayant échoué au CAPES en tant que remplaçant contractuel, mais on ne peut pas vraiment les appeller "professeurs de réserve"...
Rédigé par : Charlotte | lundi 21 avril 2008 à 22:10
Les professeurs "de réserve" sont des TZR (titulaires en zone de remplacement), titulaires ayant leur CAPES ou leur AGREG donc, mais pas en poste fixe. Je l'ai été pendant deux ans, comme beaucoup de profs. Contrairement à ce que l'on pourrait croire quand on n'y connaît rien, c'est juste une question de points, pas du tout de qualité professionnelle.
Dans mon établissement, les élèves ont attendu jusqu'à il y a peu 6 semaines avant qu'on leur donne un remplaçant en MATHS, et encore, un contractuel, parce qu'il n'y a AUNCUN TZR en maths ni en sc physiques disponibles sur le département. On est très loin, dans les matières scientifiques, d'avoir un énorme vivier de profs qui attendent sans bosser ! Il faudrait voir à ne pas non plus propager des contre-vérités.
Le problème essentiel est dans la gestion des ressources humaines, réputée calamiteuse dans l'académie de Créteil (qui est, à décharge, une très grosse académie) ; on peut très bien se retrouver, comme l'an dernier avec un gros excédent de TZR sans poste dans une matière (comme ce fut le cas l'an dernier en lettres modernes)et un déficit dramatique dans d'autres matières ; l'année suivante, ceinture sur tout, et plus de profs pour remplacer nulle part. C'est ce qui arrive en ce moment, et la politique de restriction des postes doit prendre en compte la gestion des RH, sinon, on court à la catastrophe (dur pour les classes à exam, mais imaginez ce que ça donne dans un collège quand deux profs de matières importantes, dans une même classe, ne sont pas remplacés pendant des semaines !)
Rédigé par : shakti | lundi 28 avril 2008 à 03:57